Fin de semaine dernière, j’ai pu me rendre à l’avant-première de « Possessions », d’Eric Guirado, qui adapte ici l’Affaire Flactif, fait divers survenu en 2003 qui avait défrayé la chronique.
L’histoire est celle d’un couple modeste, Bruno (Jérémie Renier) et Marilyne (Julie Depardieu) Caron, qui quitte le Nord de la France pour s’installer à la montagne, histoire de respirer l’air frais des alpages et surtout recommencer une nouvelle vie.
Sensés louer un chalet au promoteur Patrick Castang (Lucien Jean-Baptiste, qui semble décidément kiffer avoir les pieds dans la neige depuis le succès de son film « La Première Etoile« ), ils déchantent quand celui-ci leur annonce que les travaux ne sont pas finis et qu’ils devront patienter. Par bonheur, Patrick les loge provisoirement dans un chalet de très grand standing, et engage Marilyne comme femme de ménage. Mais quand le luxe ne vous appartient pas, difficile de le savourer sans avoir un goût amer … Et lorsque les Castang annoncent à Bruno et Marilyne qu’ils doivent être relogés, leur chalet n’étant toujours pas prêt, tout bascule …
Possessions est un polar autour du thème ô combien ciné génique de la jalousie. Pas celle du sentiment amoureux, mais de la convoitise des biens matériels qu’on ne possède pas mais qu’on envie, jusqu’à la folie. L’horreur arrive dès lors qu’on ne parvient plus du tout à voir ce que l’on a mais uniquement ce qu’on ne peut s’offrir tandis que notre propre voisin lui, semble tout avoir : un beau couple, de beaux enfants bien élevés et gâtés, une voiture luxueuse, une maison de rêve, des habits de marque, les parfums les plus rares et les plus chers, etc. Ici, c’est essentiellement Marilyne qui ne supporte plus sa vie misérable, qui n’a plus envie de se contenter de rêver qu’elle peut être une princesse en se repassant en boucle sa chanson préférée.
Marilyne veut plus qu’un mari qui galère comme mécano et qu’un enfant pas trop bête mais qui perturbe sa classe. Elle veut ce que les autres ont, les Castang en particulier, qui deviennent dès lors l’objet de son obsession et de sa jalousie maladive. C’est elle qui va attiser la haine de son mari et le pousser à l’irréparable, lui qui se contentait plutôt bien de sa voiture « tunée », de son pack de bière et de ses petites combines avec ses potes. Marilyne va tirer sur la corde sensible de Bruno, à savoir son égo et sa fierté masculine, jusqu’à le faire réellement se sentir comme un moins que rien, un faible, un lâche. Bruno entend bien prouver à sa femme qu’il est un vrai mec, qui va au bout des choses, qui se fait respecter, et pour cela il va donc tuer.
Drame social, Possessions s’inscrit malheureusement dans l’air du temps d’une société qui tend à creuser un fossé de plus en plus profond entre les classes riches et les autres, et fait l’apologie de la surconsommation. Bruno et Maryline font bien ressentir que si tu ne possèdes pas, tu ne peux être heureux. Si tu as moins qu’un autre, tu es en quelque sorte un raté. Ils ne s’aperçoivent pas que le couple Castang est en fait surendetté et pour beaucoup dans l’apparence. On peut être un peu gêné face à ce qui semble relever du cliché : le couple de beaufs venu du nord de la France, à l’accent Ch’ti, la femme mal maquillée et mal fagotée d’un côté, un brin vulgaire; le mari bedonnant, fan de tunning et de junk-food qu’il consomme avachi devant sa télé, et qui ne comprend même pas que si son enfant se montre un peu perturbée, c’est à cause d’eux.
De l’autre, un couple mixte (Patrick est noir), ultra amoureux (trop peut être), plutôt généreux mais pas toujours très honnête. Toutefois, il suffit de voir quelques vidéos d’archives de l’affaire Flactif pour constater que la fiction est proche de la réalité. Mention spéciale à Jérémie Renier (qui tel un Robert DeNiro a pris 18 kgs pour l’occasion) et Julie Depardieu, totalement habités par leurs rôles respectifs. Malgré une reconstitution fidèle, le film manque quand même selon moi de profondeur et d’une vraie « patte » qui en aurait fait plus qu’un bon polar du dimanche soir, mais n’est pas Chabrol qui veut, Possessions est donc loin d’égaler La Cérémonie. Guirado parvient néanmoins à instaurer une certaine tension, bien qu’on connaisse à l’avance l’issue du film, mais sa mise en scène reste assez basique et n’élève donc pas son film au-delà d’un honnête drame social contemporain.